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peine de mort

Resumé detaillé chapitre par chapitre " le dernier jour d'un condamné" VICTOR HUGO

XVI

      

      Pendant le peu d'heures que j'ai passées à l'infirmerie, je m'étais assis près d'une fenêtre, au soleil il avait reparu – ou du moins recevant du soleil tout ce que les grilles de la croisée m'en laissaient.

      J'étais là, ma tête pesante et embrassée dans mes deux mains, qui en avaient plus qu'elles n'en pouvaient porter mes coudes sur mes genoux, les pieds sur les barreaux de ma chaise, car l'abattement fait que je me courbe et me replie sur moi-même comme si je n'avais plus ni os dans les membres ni muscles dans la chair.

      L'odeur étouffée de la prison me suffoquait plus que jamais, j'avais encore dans l'oreille tout ce bruit de chaînes des galériens, j'éprouvais une grande lassitude de Bicêtre. Il me semblait que le bon Dieu devrait bien avoir pitié de moi et m'envoyer au moins un petit oiseau pour chanter là, en face, au bord du toit.

      Je ne sais si ce fut le bon Dieu ou le démon qui m'exauça ; mais presque au même moment j'entendis s'élever sous ma fenêtre une voix, non celle d'un oiseau, mais bien mieux : la voix pure, fraîche, veloutée d'une jeune fille de quinze ans. Je levai la tête comme en sursaut, j'écoutai avidement la chanson qu'elle chantait. C'était un air lent et langoureux, une espèce de roucoulement triste et lamentable ; voici les paroles :

C'est dans la rue du Mail
Où j'ai été coltigé,
Maluré,
Par trois coquins de railles,
Lirlonfa malurette,
Sur mes sique 'ont foncé,
Lirlonfa maluré
.

Je ne saurais dire combien fut amer mon désappointement. La voix continua :

Sur mes sique' ont foncé, Maluré.
Ils m'ont mis la tartouve,
Lirlonfa malurette,
Grand Meudon est aboulé,
Lirlonfa maluré.
Dans mon trimin rencontre,
Lirlonfa malurette,
Un peigre du quartier
Lirlonfa maluré.

Un peigre du quartier Maluré.
– Va-t'en dire à ma largue,
Lirlonfa malurette,
Que je suis enfourraillé,
Lirlonfa maluré.
Ma largue tout en colère,
Lirlonfa malurette,

M'dit : Qu'as-tu donc morfillé ?
Lirlonfa maluré.

M'dit : Qu'as-tu donc morfillé ?
Maluré.
– J'ai fait suer un chêne,
Lirlonfa malurette,
Son auberg j'ai enganté,
Lirlonfa maluré,
Son auberg et sa toquante,
Lirlonfa malurette,
Et ses attach's de cés,
Lirlonfa maluré.

Et ses attach's de cés,
Maluré.
Ma largu' part pour Versailles,
Lirlonfa malurette,
Aux pieds d' sa majesté,
Lirlonfa maluré.
Elle lui fonce un babillard,
Lirlonfa malurette,
Pour m' faire défourrailler
Lirlonfa maluré.

Pour m'faire défourrailler
Maluré.
– Ah ! si j'en défourraille,
Lirlonfa malurette,
Ma largue j'entiferai,
Lirlonfa maluré.
J' li ferai porter fontange,
Lirlonfa malurette,
Et souliers galuchés,
Lirlonfa maluré.

Et souliers galuchés,
Maluré.
Mais grand dabe qui s'fâche,
Lirlonfa malurette,
Dit : – Par mon caloquet,
Lirlonfa maluré,
J' li ferai danser une danse,
Lirlonfa malurette,
Où il n'y a pas de plancher
Lirlonfa maluré.

Je n'en ai pas entendu et n'aurais pu en entendre davantage. Le sens à demi compris et à demi caché de cette horrible complainte, cette lutte du brigand avec le guet, ce voleur qu'il rencontre et qu'il dépêche à sa femme, cet épouvantable message : J'ai assassiné un homme et je suis arrêté, j'ai fait suer un chêne et je suis enfourraillé ; cette femme qui court à Versailles avec un placet, et cette Majesté qui s'indigne et menace le coupable de lui faire danser la danse où il n'y a pas de plancher et tout cela chanté sur l'air le plus doux et par la plus douce voix qui ait jamais endormi l'oreille humaine !... J'en suis resté navré, glacé, anéanti. C'était une chose repoussante que toutes ces monstrueuses paroles sortant de cette bouche vermeille et fraîche. On eût dit la bave d'une limace sur une rose.

      Je ne saurais rendre ce que j'éprouvais ; j'étais à la fois blessé et caressé. Le patois de la caverne et du bagne, cette langue ensanglantée et grotesque, ce hideux argot marié à une voix de jeune fille, gracieuse transition de la voix d'enfant à la voix de femme ! tous ces mots difformes et mal faits, chantés, cadencés, perlés !

      Ah ! qu'une prison est quelque chose d'infâme ! Il y a un venin qui y salit tout. Tout s'y flétrit, même la chanson d'une fille de quinze ans ! Vous y trouvez un oiseau, il a de la boue sur son aile ; vous y cueillez une jolie fleur, vous la respirez : elle pue.
 

 

Résumé du chapitre 16

 

Quand le narrateur était à l’infirmerie, il avait entendu la voix d’une jeune fille de quinze ans chanter une chanson où il est question d’assassinat et de mort. Il fut terrifié parce que tout est prison à Bicêtre, tout lui rappelle la mort.

XVII

      

      Oh ! si je m'évadais, comme je courrais à travers champs !
      Non, il ne faudrait pas courir. Cela fait regarder et soupçonner. Au contraire, marcher lentement, tête levée, en chantant. Tâcher d'avoir quelque vieux sarrau bleu à dessins rouges. Cela déguise bien. Tous les maraîchers des environs en portent.

      Je sais auprès d'Arcueil un fourré d'arbres à côté d'un marais, où, étant au collège, je venais avec mes camarades pêcher des grenouilles tous les jeudis. C'est là que je me cacherais jusqu'au soir.

      La nuit tombée, je reprendrais ma course. J'irais à Vincennes. Non, la rivière m'empêcherait. J'irais à Arpajon. – Il aurait mieux valu prendre du côté de Saint-Germain, et aller au Havre, et m'embarquer pour l'Angleterre. – N'importe ! j'arrive à Longjumeau. Un gendarme passe ; il me demande mon passeport... Je suis perdu !

      Ah ! malheureux rêveur brise donc d'abord le mur épais de trois pieds qui t'emprisonne ! La mort ! la mort !
      Quand je pense que je suis venu tout enfant, ici, à Bicêtre, voir le grand puits et les fous !

 

Résumé chapitre 17

 

Le narrateur rêve d’évasion mais son rêve ne peut être réalisé, il est interrompu par l’idée de l’incarcération et de la condamnation.

 XVIII

      

      Pendant que j'écrivais tout ceci, ma lampe a pâli, le jour est venu, l'horloge de la chapelle a sonné six heures. –

      Qu'est-ce que cela veut dire ? Le guichetier de garde vient d'entrer dans mon cachot, il a ôté sa casquette, m'a salué, s'est excusé de me déranger et m'a demandé, en adoucissant de son mieux sa rude voix, ce que je désirais à déjeuner...
      Il m'a pris un frisson. – Est-ce que ce serait pour aujourd'hui ?

 

Résumé du chapitre 18

 

Le guichetier rend visite au narrateur dans son cachot pour lui demander ce qu’il veut manger pour le déjeuner

XIX

      

      C'est pour aujourd'hui !
      Le directeur de la prison lui-même vient de me rendre visite. Il m'a demandé en quoi il pourrait m'être agréable ou utile, a exprimé le désir que je n'eusse pas à me plaindre de lui ou de ses subordonnés, s'est informé avec intérêt de ma santé et de la façon dont j'avais passé la nuit ; en me quittant, il m'a appelé monsieur !
      C'est pour aujourd'hui !

 

19

 Le directeur de la prison rend visite au narrateur dans son cachot pour lui demander s’il se plaint d’un quelconque mauvais traitement. Pris de panique, le narrateur croit que l’heure de son exécution est venue.

XX

      

      Il ne croit pas, ce geôlier, que j'aie à me plaindre de lui et de ses sous-geôliers. Il a raison. Ce serait mal à moi de me plaindre ; ils ont fait leur métier ils m'ont bien gardé ; et puis ils ont été polis à l'arrivée et au départ. Ne dois-je pas être content ?

      Ce bon geôlier, avec son sourire bénin, ses paroles caressantes, son oeil qui flatte et qui espionne, ses grosses et larges mains, c'est la prison incarnée, c'est Bicêtre qui s'est fait homme. Tout est prison autour de moi ; je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou. Ce mur, c'est de la prison en pierre ; cette porte, c'est de la prison en bois ; ces guichetiers, c'est de la prison en chair et en os. La prison est une espèce d'être horrible complet, indivisible, moitié maison, moitié homme. Je suis sa proie ; elle me couve, elle m'enlace de tous ses replis. Elle m'enferme dans ses murailles de granit, me cadenasse sous ses serrures de fer, et me surveille avec ses yeux de geôlier.

      Ah ! misérable ! que vais-je devenir ? qu'est-ce qu'ils vont faire de moi ?

 

Résumé du chapitre 20

Terrifié, le narrateur imagine la prison comme une sorte  de monstre à moitié humain, à moitié objet qui le torture, le boire et le tue.

 

Resumé detaillé chapitre par chapitre " le dernier jour d'un condamné" VICTOR HUGO

XXI

      

      Je suis calme maintenant. Tout est fini, bien fini. Je suis sorti de l'horrible anxiété où m'avait jeté la visite du directeur. Car, je l'avoue, j'espérais encore. – Maintenant, Dieu merci, je n'espère plus.

      Voici ce qui vient de se passer :
      Au moment où six heures et demie sonnaient, – non, c'était l'avant-quart – la porte de mon cachot s'est rouverte. Un vieillard à tête blanche, vêtu d'une redingote brune, est entré. Il a entrouvert sa redingote. J'ai vu une soutane, un rabat. C'était un prêtre.

      Ce prêtre n'était pas l'aumônier (=en religion, ecclésiastique s'occupant d'une communauté )de la prison. Cela était sinistre.
      Il s'est assis en face de moi avec un sourire bienveillant ; puis a secoué la tête et levé les yeux au ciel, c'est-à-dire à la voûte du cachot. Je l'ai compris.
      – Mon fils, m'a-t-il dit, êtes-vous préparé ?
      Je lui ai répondu d'une voix faible :
      – Je ne suis pas préparé, mais je suis prêt.
      Cependant ma vue s'est troublée, une sueur glacée est sortie à la fois de tous mes membres, j'ai senti mes tempes se gonfler, et j'avais les oreilles pleines de bourdonnements.

      Pendant que je vacillais sur ma chaise comme endormi, le bon vieillard parlait. C'est du moins ce qu'il m'a semblé, et je crois me souvenir que j'ai vu ses lèvres remuer ses mains s'agiter ses yeux reluire.

La porte s'est rouverte une seconde fois. Le bruit des verrous nous a arrachés, moi à ma stupeur lui à son discours.

 Une espèce de monsieur en habit noir accompagné du directeur de la prison, s'est présenté, et m'a salué profondément. Cet homme avait sur le visage quelque chose de la tristesse officielle des employés des pompes funèbres. Il tenait un rouleau de papier à la main.

      – Monsieur m'a-t-il dit avec un sourire de courtoisie, je suis huissier près la cour royale de Paris. J'ai l'honneur de vous apporter un message de la part de monsieur le procureur général.

    

 

         La peine de mort est-elle juste ?

 1- Quelles critiques peut-on faire aux juges ?

     La première secousse était passée. Toute ma présence d'esprit m'était revenue.
      – C'est monsieur le procureur général, lui ai-je répondu, qui a demandé si instamment ma tête ? Bien de l'honneur pour moi qu'il m'écrive. J'espère que ma mort lui va faire grand plaisir ? car il me serait dur de penser qu'il l'a sollicitée avec tant d'ardeur et qu'elle lui était indifférente.

    

 

  J'ai dit tout cela, et j'ai repris d'une voix ferme :
      – Lisez, monsieur !

      Il s'est mis à me lire un long texte, en chantant à la fin de chaque ligne et en hésitant au milieu de chaque mot. C'était le rejet de mon pourvoi.

      – L'arrêt sera exécuté aujourd'hui en place de Grève, a-t-il ajouté quand il a eu terminé, sans lever les yeux de dessus son papier timbré. Nous partons à sept heures et demie précises pour la Conciergerie. Mon cher monsieur aurez-vous l'extrême bonté de me suivre ?

      Depuis quelques instants je ne l'écoutais plus. Le directeur causait avec le prêtre ; lui avait l'oeil fixé sur son papier ; je regardais la porte, qui était restée entrouverte... – Ah ! misérable ! quatre fusiliers dans le corridor !

      L'huissier a répété sa question, en me regardant cette fois.
      – Quand vous voudrez, lui ai-je répondu. À votre aise !
     Il m'a salué en disant :
      – J'aurai l'honneur de venir vous chercher dans une demi-heure.
      Alors ils m'ont laissé seul.

      Un moyen de fuir, mon Dieu ! un moyen quelconque ! Il faut que je m'évade ! il le faut ! sur-le-champ ! par les portes, par les fenêtres, par la charpente du toit ! quand même je devrais laisser de ma chair après les poutres !

      Ô rage ! démons ! malédiction ! Il faudrait des mois pour percer ce mur avec de bons outils, et je n'ai ni un clou, ni une heure !

 

21

A six heures et demi du matin le narrateur a été visité dans son cachot par un prêtre puis par l’huissier (officier ministériel chargé de signifier les actes de procédure et de mettre à exécution les jugements

 de la Cour royale de Paris qui lui apprendre le rejet de sa demande du pourvoi en cassation et son transfert à la Conciergerie.

 

Resumé detaillé chapitre par chapitre " le dernier jour d'un condamné" VICTOR HUGO

XXII

      

      De la Conciergerie.

      

      Me voici transféré, comme dit le procès-verbal.
      Mais le voyage vaut la peine d'être conté.
      Sept heures et demie sonnaient lorsque l'huissier s'est présenté de nouveau au seuil de mon cachot. – Monsieur m'a-t-il dit, je vous attends. – Hélas ! lui et d'autres !

      Je me suis levé, j'ai fait un pas ; il m'a semblé que je n'en pourrais faire un second, tant ma tête était lourde et mes jambes faibles. Cependant je me suis remis et j'ai continué d'une allure assez ferme. Avant de sortir du cabanon, j'y ai promené un dernier coup d'oeil. – Je l'aimais, mon cachot. – Puis, je l'ai laissé vide et ouvert ; ce qui donne à un cachot un air singulier.

      Au reste, il ne le sera pas longtemps. Ce soir on y attend quelqu'un, disaient les porte-clefs, un condamné que la cour d'assises est en train de faire à l'heure qu'il est.
      Au détour du corridor l'aumônier nous a rejoints. Il venait de déjeuner.
      Au sortir de la geôle, le directeur m'a pris affectueusement la main, et a renforcé mon escorte de quatre vétérans.

  Devant la porte de l'infirmerie, un vieillard moribond m'a crié : Au revoir !
      Nous sommes arrivés dans la cour. J'ai respiré ; cela m'a fait du bien.
      Nous n'avons pas marché longtemps à l'air. Une voiture attelée de chevaux de poste stationnait dans la première cour ; c'est la même voiture qui m'avait amené ; une espèce de cabriolet oblong, divisé en deux sections par une grille transversale de fil de fer si épaisse qu'on la dirait tricotée.

     Les deux sections ont chacune une porte, l'une devant, l'autre derrière la carriole. Le tout si sale, si noir si poudreux, que le corbillard des pauvres est un carrosse du sacre en comparaison.

      Avant de m'ensevelir dans cette tombe à deux roues, j'ai jeté un regard dans la cour, un de ces regards désespérés devant lesquels il semble que les murs devraient crouler. La cour espèce de petite place plantée d'arbres, était plus encombrée encore de spectateurs que pour les galériens. Déjà la foule !

Comme le jour du départ de la chaîne, il tombait une pluie de la saison, une pluie fine et glacée qui tombe encore à l'heure où j'écris, qui tombera sans doute toute la journée, qui durera plus que moi.
      Les chemins étaient effondrés, la cour pleine de fange et d'eau. J'ai eu plaisir à voir cette foule dans cette boue.

      Nous sommes montés, l'huissier et un gendarme, dans le compartiment de devant ; le prêtre, moi et un gendarme dans l'autre. Quatre gendarmes à cheval autour de la voiture. Ainsi, sans le postillon, huit hommes pour un homme.
      Pendant que je montais, il y avait une vieille aux yeux gris qui disait : – J'aime encore mieux cela que la chaîne.

      Je conçois. C'est un spectacle qu'on embrasse plus aisément d'un coup d'oeil, c'est plus tôt vu. C'est tout aussi beau et plus commode. Rien ne vous distrait. Il n'y a qu'un homme, et sur cet homme seul autant de misère que sur tous les forçats à la fois. Seulement cela est moins éparpillé ; c'est une liqueur concentrée, bien plus savoureuse.

      La voiture s'est ébranlée. Elle a fait un bruit sourd en passant sous la voûte de la grande porte, puis a débouché dans l'avenue, et les lourds battants de Bicêtre se sont refermés derrière elle. Je me sentais emporté avec stupeur, comme un homme tombé en léthargie qui ne peut ni remuer ni crier et qui entend qu'on l'enterre. J'écoutais vaguement les paquets de sonnettes pendus au cou des chevaux de poste sonner en cadence et comme par hoquets, les roues ferrées bruire sur le pavé ou cogner la caisse en changeant d'ornière, le galop sonore des gendarmes autour de la carriole, le fouet claquant du postillon. Tout cela me semblait comme un tourbillon qui m'emportait.

      À travers le grillage d'un judas percé en face de moi, mes yeux s'étaient fixés machinalement sur l'inscription gravée en grosses lettres au-dessus de la grande porte de Bicêtre : HOSPICE DE LA VIEILLESSE. 
– Tiens, me disais-je, il paraît qu'il y a des gens qui vieillissent, là.

      Et, comme on fait entre la veille et le sommeil, je retournais cette idée en tous sens dans mon esprit engourdi de douleur. Tout à coup la carriole, en passant de l'avenue dans la grande route, a changé le point de vue de la lucarne. Les tours de Notre-Dame sont venues s'y encadrer bleues et à demi effacées dans la brume de Paris. Sur-le-champ le point de vue de mon esprit a changé aussi. J'étais devenu machine comme la voiture. À l'idée de Bicêtre a succédé l'idée des tours de Notre-Dame. – Ceux qui seront sur la tour où est le drapeau verront bien, me suis-je dit en souriant stupidement.

 Je crois que c'est à ce moment-là que le prêtre s'est remis à me parler. Je l'ai laissé dire patiemment. J'avais déjà dans l'oreille le bruit des roues, le galop des chevaux, le fouet du postillon. C'était un bruit de plus.

      J'écoutais en silence cette chute de paroles monotones qui assoupissaient ma pensée comme le murmure d'une fontaine, et qui passaient devant moi, toujours diverses et toujours les mêmes, comme les ormeaux tortus de la grande route, lorsque la voix brève et saccadée de l'huissier, placé sur le devant, est venue subitement me secouer.

      – Eh bien ! monsieur l'abbé, disait-il avec un accent presque gai, qu'est-ce que vous savez de nouveau ?
      C'est vers le prêtre qu'il se retournait en parlant ainsi.
      L'aumônier, qui me parlait sans relâche, et que la voiture assourdissait, n'a pas répondu.
      – Hé ! hé ! a repris l'huissier en haussant la voix pour avoir le dessus sur le bruit des roues ; infernale voiture !
      Infernale ! En effet.
      Il a continué :
      – Sans doute, c'est le cahot ; on ne s'entend pas. Qu'est-ce que je voulais donc dire ? Faites-moi le plaisir de m'apprendre ce que je voulais dire, monsieur l'abbé ! – Ah ! savez-vous la grande nouvelle de Paris, aujourd'hui ?

      J'ai tressailli, comme s'il parlait de moi.
      – Non, a dit le prêtre, qui avait enfin entendu, je n'ai pas eu le temps de lire les journaux ce matin. Je verrai cela ce soir. Quand je suis occupé comme cela toute la journée, je recommande au portier de me garder mes journaux, et je les lis en rentrant.
      – Bah ! a repris l'huissier, il est impossible que vous ne sachiez pas cela. La nouvelle de Paris ! la nouvelle de ce matin !

      J'ai pris la parole : – Je crois la savoir.
      L'huissier m'a regardé.
      – Vous ! vraiment ! En ce cas, qu'en dites-vous ?
      – Vous êtes curieux ! lui ai-je dit.
      – Pourquoi, monsieur ? a répliqué l'huissier. Chacun a son opinion politique. Je vous estime trop pour croire que vous n'avez pas la vôtre. Quant à moi, je suis tout à fait d'avis du rétablissement de la garde nationale. J'étais sergent de ma compagnie, et, ma foi, c'était fort agréable.

      Je l'ai interrompu.
      – Je ne croyais pas que ce fût de cela qu'il s'agissait.
      – Et de quoi donc ? Vous disiez savoir la nouvelle...
      – Je parlais d'une autre, dont Paris s'occupe aussi aujourd'hui.
      L'imbécile n'a pas compris ; sa curiosité s'est éveillée.
      – Une autre nouvelle ? Où diable avez-vous pu apprendre des nouvelles ? Laquelle, de grâce, mon cher monsieur ? Savez-vous ce que c'est, monsieur l'abbé ? êtes-vous plus au courant que moi ? Mettez-moi au fait, je vous prie. De quoi s'agit-il ? Voyez-vous, j'aime les nouvelles. Je les conte à monsieur le président, et cela l'amuse.

      Et mille billevesées. Il se tournait tour à tour vers le prêtre et vers moi, et je ne répondais qu'en haussant les épaules.
      – Eh bien ! m'a-t-il dit, à quoi pensez-vous donc ?
      – Je pense, ai-je répondu, que je ne penserai plus ce soir
      – Ah ! c'est cela ! a-t-il répliqué. Allons, vous êtes trop triste ! M. Castaing causait.

Puis, après un silence :
      – J'ai conduit M. Papavoine ; il avait sa casquette de loutre et fumait son cigare. Quant aux jeunes gens de La Rochelle, ils ne parlaient qu'entre eux. Mais ils parlaient.
      Il a fait encore une pause, et a poursuivi :
      – Des fous ! des enthousiastes ! Ils avaient l'air de mépriser tout le monde. Pour ce qui est de vous, je vous trouve vraiment bien pensif, jeune homme.
      – Jeune homme ! lui ai-je dit, je suis plus vieux que vous ; chaque quart d'heure qui s'écoule me vieillit d'une année.
      Il s'est retourné, m'a regardé quelques minutes avec un étonnement inepte, puis s'est mis à ricaner lourdement.
      – Allons, vous voulez rire, plus vieux que moi ! je serais votre grand-père.
      – Je ne veux pas rire, lui ai-je répondu gravement.

      Il a ouvert sa tabatière.
      – Tenez, cher monsieur, ne vous fâchez pas ; une prise de tabac, et ne me gardez pas rancune.
      – N'ayez pas peur ; je n'aurai pas longtemps à vous la garder.
      En ce moment sa tabatière, qu'il me tendait, a rencontré le grillage qui nous séparait. Un cahot a fait qu'elle l'a heurté assez violemment et est tombée tout ouverte sous les pieds du gendarme.
      – Maudit grillage ! s'est écrié l'huissier.
      Il s'est tourné vers moi.
      – Eh bien ! ne suis-je pas malheureux ? tout mon tabac est perdu !
      – Je perds plus que vous, ai-je répondu en souriant.
      Il a essayé de ramasser son tabac, en grommelant entre ses dents :
      – Plus que moi ! cela est facile à dire. Pas de tabac jusqu'à Paris ! c'est terrible !

      L'aumônier alors lui a adressé quelques paroles de consolation, et je ne sais si j'étais préoccupé, mais il m'a semblé que c'était la suite de l'exhortation dont j'avais eu le commencement. Peu à peu la conversation s'est engagée entre le prêtre et l'huissier ; je les ai laissés parler de leur côté, et je me suis mis à penser du mien.

      En abordant la barrière, j'étais toujours préoccupé sans doute, mais Paris m'a paru faire un plus grand bruit qu'à l'ordinaire.

  La voiture s'est arrêtée un moment devant l'octroi. Les douaniers de ville l'ont inspectée. Si c'eût été un mouton ou un boeuf qu'on eût mené à la boucherie, il aurait fallu leur jeter une bourse d'argent ; mais une tête humaine ne paie pas de droit. Nous avons passé.

      Le boulevard franchi, la carriole s'est enfoncée au grand trot dans ces vieilles rues tortueuses du faubourg Saint-Marceau et de la Cité, qui serpentent et s'entrecoupent comme les mille chemins d'une fourmilière. Sur le pavé de ces rues étroites le roulement de la voiture est devenu si bruyant et si rapide que je n'entendais plus rien du bruit extérieur. Quand je jetais les yeux par la petite lucarne carrée, il me semblait que le flot des passants s'arrêtait pour regarder la voiture, et que des bandes d'enfants couraient sur sa trace. Il m'a semblé aussi voir de temps en temps dans les carrefours ça et là un homme ou une vieille en haillons, quelquefois les deux ensemble, tenant en main une liasse de feuilles imprimées que les passants se disputaient, en ouvrant la bouche comme pour un grand cri.

      Huit heures et demie sonnaient à l'horloge du Palais au moment où nous sommes arrivés dans la cour de la Conciergerie. La vue de ce grand escalier, de cette noire chapelle, de ces guichets sinistres, m'a glacé. Quand la voiture s'est arrêtée, j'ai cru que les battements de mon coeur allaient s'arrêter aussi.

      J'ai recueilli mes forces ; la porte s'est ouverte avec la rapidité de l'éclair ; j'ai sauté à bas du cachot roulant, et je me suis enfoncé à grands pas sous la voûte entre deux haies de soldats. Il s'était déjà formé une foule sur mon passage.

 

 

 

Résumé du chapitre 22

Le narrateur quitte son cachot et se fait conduire dans la voiture qui l’a ramené à Bicêtre vers Paris, le convoi arrive à Paris vers huit heures et demi du matin. La foule, avide de sang, s’est déjà attroupée pour ne pas manquer l’exultation.

 

Resumé detaillé chapitre par chapitre " le dernier jour d'un condamné" VICTOR HUGO

XXIII

      

      Tant que j'ai marché dans les galeries publiques du Palais de Justice, je me suis senti presque libre et à l'aise ; mais toute ma résolution m'a abandonné quand on a ouvert devant moi des portes basses, des escaliers secrets, des couloirs intérieurs, de longs corridors étouffés et sourds, où il n'entre que ceux qui condamnent ou ceux qui sont condamnés.

      L'huissier m'accompagnait toujours. Le prêtre m'avait quitté pour revenir dans deux heures : il avait ses affaires.

      On m'a conduit au cabinet du directeur entre les mains duquel l'huissier m'a remis. C'était un échange. Le directeur l'a prié d'attendre un instant, lui annonçant qu'il allait avoir du gibier à lui remettre, afin qu'il le conduisît sur-le-champ à Bicêtre par le retour de la carriole. Sans doute le condamné d'aujourd'hui, celui qui doit coucher ce soir sur la botte de paille que je n'ai pas eu le temps d'user

      – C'est bon, a dit l'huissier au directeur je vais attendre un moment ; nous ferons les deux procès verbaux à la fois, cela s'arrange bien.
      En attendant, on m'a déposé dans un petit cabinet attenant à celui du directeur. Là, on m'a laissé seul, bien verrouillé.

      Je ne sais à quoi je pensais, ni depuis combien de temps j'étais là, quand un brusque et violent éclat de rire à mon oreille m'a réveillé de ma rêverie.

      J'ai levé les yeux en tressaillant. Je n'étais plus seul dans la cellule. Un homme s'y trouvait avec moi, un homme d'environ cinquante-cinq ans, de moyenne taille ; ridé, voûté, grisonnant ; à membres trapus ; avec un regard louche dans des yeux gris, un rire amer sur le visage ; sale, en guenilles, demi-nu, repoussant à voir .

 Il paraît que la porte s'était ouverte, l'avait vomi, puis s'était refermée sans que je m'en fusse aperçu. Si la mort pouvait venir ainsi !
      Nous nous sommes regardés quelques secondes fixement, l'homme et moi ; lui, prolongeant son rire qui ressemblait à un râle ; moi, demi-étonné, demi-effrayé.
      – Qui êtes-vous ? lui ai-je dit enfin.
      – Drôle de demande ! a-t-il répondu. Un friauche.
      – Un friauche ! Qu'est-ce que cela veut dire ?
      Cette question a redoublé sa gaieté.
      – Cela veut dire, s'est-il écrié au milieu d'un éclat de rire, que le taule jouera au panier avec ma sorbonne dans six semaines, comme il va faire avec ta tronche dans six heures. Ha ! ha ! il paraît que tu comprends maintenant.

      En effet, j'étais pâle, et mes cheveux se dressaient.
      C'était l'autre condamné, le condamné du jour, celui qu'on attendait à Bicêtre, mon héritier.

  Il a continué :
      – Que veux-tu ? voilà mon histoire à moi. Je suis fils d'un bon peigre ; c'est dommage que Charlot* ait pris la peine un jour de lui attacher sa cravate.

          C'était quand régnait la potence, par la grâce de Dieu. À six ans, je n'avais plus ni père ni mère ; l'été, je faisais la roue dans la poussière au bord des routes, pour qu'on me jetât un sou par la portière des chaises de poste ; l'hiver j'allais pieds nus dans la boue en soufflant dans mes doigts tout rouges ; on voyait mes cuisses à travers mon pantalon. À neuf ans, j'ai commencé à me servir de mes louches*, de temps en temps je vidais une fouillouse*, je filais une pelure* ; à dix ans, j'étais un marlou*. Puis j'ai fait des connaissances ; à dix-sept, j'étais un grinche*.Je forçais une boutanche, je faussais une tournante*. On m'a pris. J'avais l'âge, on m'a envoyé ramer dans la petite marine*. 

1. Le bourreau.
2. Mes mains.
3. Une poche.
4. Je volais un manteau.
5. Un filou.
6. Un voleur.
7. Je forçais une boutique, je faussais une clé.
8. Les galères.

Le bagne, c'est dur ; coucher sur une planche, boire de l'eau claire, manger du pain noir, traîner un imbécile de boulet qui ne sert à rien ; des coups de bâton et des coups de soleil. Avec cela on est tondu, et moi qui avais de beaux cheveux châtains ! N'importe !... j'ai fait mon temps. Quinze ans, cela s'arrache ! J'avais trente-deux ans. Un beau matin on me donna une feuille de route et soixante-six francs que je m'étais amassés dans mes quinze ans de galères, en travaillant seize heures par jour, trente jours par mois, et douze mois par année. C'est égal, je voulais être honnête homme avec mes soixante-six francs, et j'avais de plus beaux sentiments sous mes guenilles qu'il n'y en a sous une serpillière de ratichon*. 

Mais que les diables soient avec le passeport ! Il était jaune, et on avait écrit dessus forçat libéré. Il fallait montrer cela partout où je passais et le présenter tous les huit jours au maire du village où l'on me forçait de tapiquer*.

9. Une soutane d'abbé.

10. Habiter.

 La belle recommandation ! un galérien ! Je faisais peur, et les petits enfants se sauvaient, et l'on fermait les portes. Personne ne voulait me donner d'ouvrage. Je mangeai mes soixante-six francs. Et puis il fallut vivre. Je montrai mes bras bons au travail, on ferma les portes. J'offris ma journée pour quinze sous, pour dix sous, pour cinq sous. Point.

      Que faire ? Un jour, j'avais faim. Je donnai un coup de coude dans le carreau d'un boulanger ; j'empoignai un pain, et le boulanger m'empoigna ; je ne mangeai pas le pain, et j'eus les galères à perpétuité, avec trois lettres de feu sur l'épaule. Je te montrerai, si tu veux. On appelle cette justice-là la récidive

Me voilà donc cheval de retour*. On me remit à Toulon ; cette fois avec les bonnets verts*. Il fallait m'évader.

11. Ramené au bagne.
12. Les condamnés à perpétuité.

      Pour cela, je n'avais que trois murs à percer deux chaînes à couper, et j'avais un clou. Je m'évadai. On tira le canon d'alerte ; car, nous autres, nous sommes, comme les cardinaux de Rome, habillés de rouge, et on tire le canon quand nous partons. Leur poudre alla aux moineaux. Cette fois, pas de passeport jaune, mais pas d'argent non plus. Je rencontrai des camarades qui avaient aussi fait leur temps ou cassé leur ficelle. 

Leur coire* me proposa d'être des leurs, on faisait la grande soulasse sur le trimar*. J'acceptai, et je me mis à tuer pour vivre.

13. Leur chef.
14. On assassinait sur les grands chemins.

      C'était tantôt une diligence, tantôt une chaise de poste, tantôt un marchand de boeufs à cheval. On prenait l'argent, on laissait aller au hasard la bête ou la voiture, et l'on enterrait l'homme sous un arbre, en ayant soin que les pieds ne sortissent pas ; et puis on dansait sur la fosse, pour que la terre ne parût pas fraîchement remuée. J'ai vieilli comme cela, gîtant dans les broussailles, dormant aux belles étoiles, traqué de bois en bois, mais du moins libre et à moi. Tout a une fin, et autant celle-là qu'une autre. 

Les marchands de lacets*, une belle nuit, nous ont pris au collet. Mes fanandels* se sont sauvés ; mais moi, le plus vieux, je suis resté sous la griffe de ces chats à chapeaux galonnés. On m'a amené ici.

15. Les gendarmes.
16. Camarades

      J'avais déjà passé par tous les échelons de l'échelle, excepté un. Avoir volé un mouchoir ou tué un homme, c'était tout un pour moi désormais ; il y avait encore une récidive à m'appliquer. 

Je n'avais plus qu'à passer par le faucheur*. Mon affaire a été courte. Ma foi, je commençais à vieillir et à n'être plus bon à rien. Mon père a épousé la veuve*, moi je me retire à l'abbaye de Mont'-à-Regret*. Voilà, camarade.

17. Le bourreau
18. A été pendu.
19. La guillotine

J'étais resté stupide en l'écoutant. Il s'est remis à rire plus haut encore qu'en commençant, et a voulu me prendre la main. J'ai reculé avec horreur.

      – L'ami, m'a-t-il dit, tu n'as pas l'air brave. Ne va pas faire le singe devant la carline. Vois-tu, il y a un mauvais moment à passer sur la placarde ; mais cela est sitôt fait ! Je voudrais être là pour te montrer la culbute. Mille dieux ! j'ai envie de ne pas me pourvoir, si l'on veut me faucher aujourd'hui avec toi. Le même prêtre nous servira à tous deux ; ça m'est égal d'avoir tes restes. Tu vois que je suis un bon garçon. Hein ! dis, veux-tu ? d'amitié !
      Il a encore fait un pas pour s'approcher de moi.
      – Monsieur, lui ai-je répondu en le repoussant, je vous remercie.
      Nouveaux éclats de rire à ma réponse.

  – Ah ! ah ! monsieur, vousailles* êtes un marquis ! c'est un marquis !

20. Vous

      Je l'ai interrompu :
      – Mon ami, j'ai besoin de me recueillir laissez-moi.
      La gravité de ma parole l'a rendu pensif tout à coup. Il a remué sa tête grise et presque chauve ; puis, creusant avec ses ongles sa poitrine velue, qui s'offrait nue sous sa chemise ouverte :

– Je comprends, a-t-il murmuré entre ses dents ; au fait, le sanglier* !

21. Le prêtre

       Puis, après quelques minutes de silence :
      – Tenez, m'a-t-il dit presque timidement, vous êtes un marquis, c'est fort bien ; mais vous avez là une belle redingote qui ne vous servira plus à grand'chose ! Le taule la prendra. Donnez-la-moi, je la vendrai pour avoir du tabac.
      J'ai ôté ma redingote et je la lui ai donnée. Il s'est mis à battre des mains avec une joie d'enfant. Puis, voyant que j'étais en chemise et que je grelottais :
      – Vous avez froid, monsieur, mettez ceci ; il pleut, et vous seriez mouillé ; et puis il faut être décemment sur la charrette.
      En parlant ainsi, il ôtait sa grosse veste de laine grise et la passait dans mes bras. Je le laissais faire.

      Alors j'ai été m'appuyer contre le mur et je ne saurais dire quel effet me faisait cet homme. Il s'était mis à examiner la redingote que je lui avais donnée, et poussait à chaque instant des cris de joie.
      – Les poches sont toutes neuves ! le collet n'est pas usé ! J'en aurai au moins quinze francs. Quel bonheur ! du tabac pour mes six semaines !

      La porte s'est rouverte. On venait nous chercher tous deux ; moi, pour me conduire à la chambre où les condamnés attendent l'heure ; lui, pour le mener à Bicêtre. Il s'est placé en riant au milieu du piquet qui devait l'emmener, et il disait aux gendarmes :
      – Ah ça ! ne vous trompez pas ; nous avons changé de pelure, monsieur et moi ; mais ne me prenez pas à sa place. Diable ! cela ne m'arrangerait pas, maintenant que j'ai de quoi avoir du tabac !
 

 

Résumé du chapitre 23

Une fois arrivé au Palais de Justice, le narrateur s’est senti investi d’une certaine liberté qui n’a pas tardé à disparaître à la vue des sous-sols. Remis par l’huissier au directeur, le narrateur a été enfermé dans un cabinet en compagnie d’un autre condamné âgé de 55 ans et qui attend à son tour son transfert à Bicêtre. Après avoir entendu l’histoire du vieux, le narrateur a échangé, par peur, sa redingote contre la veste du vieillard. Enfin il est reconduit à une chambre dans l’attente de son exécution.

 

Resumé detaillé chapitre par chapitre " le dernier jour d'un condamné" VICTOR HUGO

XXIV

      

      Ce vieux scélérat, il m'a pris ma redingote, car je ne la lui ai pas donnée, et puis il m'a laissé cette guenille, sa veste infâme. De qui vais-je avoir l'air ?
      Je ne lui ai pas laissé prendre ma redingote par insouciance ou par charité. Non ; mais parce qu'il était plus fort que moi. Si j'avais refusé, il m'aurait battu avec ses gros poings.

      Ah bien oui, charité ! j'étais plein de mauvais sentiments. J'aurais voulu pouvoir l'étrangler de mes mains, le vieux voleur ! pouvoir le piler sous mes pieds !
      Je me sens le coeur plein de rage et d'amertume. Je crois que la poche au fiel a crevé. La mort rend méchant.
 

 

Résumé du chapitre 24

Le narrateur regrette amèrement l’échange de sa redingote qui n’était que par peur.

 

XXV

      

      Ils m'ont amené dans une cellule où il n'y a que les quatre murs, avec beaucoup de barreaux à la fenêtre et beaucoup de verrous à la porte, cela va sans dire.
      J'ai demandé une table, une chaise, et ce qu'il faut pour écrire. On m'a apporté tout cela.
      Puis j'ai demandé un lit. Le guichetier m'a regardé de ce regard étonné qui semble dire : – À quoi bon ?

      Cependant ils ont dressé un lit de sangle dans le coin. Mais en même temps un gendarme est venu s'installer dans ce qu'ils appellent ma chambre. Est-ce qu'ils ont peur que je ne m'étrangle avec le matelas ?

 

Résumé du chapitre 25

Le narrateur est amené ensuite à une cellule où on lui a donné une table, une chaise et tout pour écrire. Mais on a installé avec lui un gendarme pour empêcher toute tentative du suicide.

XXVI

      

      Il est dix heures.
      Ô ma pauvre petite fille ! encore six heures, et je serai mort ! Je serai quelque chose d'immonde qui traînera sur la table froide des amphithéâtres ; une tête qu'on moulera d'un côté, un tronc qu'on disséquera de l'autre ; puis de ce qui restera, on en mettra plein une bière, et le tout ira à Clamart.
      Voilà ce qu'ils vont faire de ton père, ces hommes dont aucun ne me hait, qui tous me plaignent et tous pourraient me sauver. Ils vont me tuer. Comprends-tu cela, Marie ? Me tuer de sang-froid, en cérémonie, pour le bien de la chose ! Ah ! grand Dieu !

      Pauvre petite ! ton père qui t'aimait tant, ton père qui baisait ton petit cou blanc et parfumé, qui passait la main sans cesse dans les boucles de tes cheveux comme sur de la soie, qui prenait ton joli visage rond dans sa main, qui te faisait sauter sur ses genoux, et le soir joignait tes deux petites mains pour prier Dieu !

      Qui est-ce qui te fera tout cela maintenant ? Qui est-ce qui t'aimera ? Tous les enfants de ton âge auront des pères, excepté toi. Comment te déshabitueras-tu, mon enfant, du Jour de l'An, des étrennes, des beaux joujoux, des bonbons et des baisers ? – Comment te déshabitueras-tu, malheureuse orpheline, de boire et de manger ?

      Oh ! si ces jurés l'avaient vue, au moins, ma jolie petite Marie ! ils auraient compris qu'il ne faut pas tuer le père d'un enfant de trois ans.
      Et quand elle sera grande, si elle va jusque-là, que deviendra-t-elle ? Son père sera un des souvenirs du peuple de Paris. Elle rougira de moi et de mon nom ; elle sera méprisée, repoussée, vile à cause de moi, de moi qui l'aime de toutes les tendresses de mon cœur. Ô ma petite Marie bien-aimée ! Est-il bien vrai que tu auras honte et horreur de moi ?

      Misérable ! quel crime j'ai commis, et quel crime je fais commettre à la société !
      

 

 

 

 

 

 

La peine de mort est-elle utile ?

Quelle influence a-t-elle sur le peuple ?

Oh ! est-il bien vrai que je vais mourir avant la fin du jour ? Est-il bien vrai que c'est moi ? Ce bruit sourd de cris que j'entends au-dehors, ce flot de peuple joyeux qui déjà se hâte sur les quais, ces gendarmes qui s'apprêtent dans leurs casernes, ce prêtre en robe noire, cet autre homme aux mains rouges, c'est pour moi ! c'est moi qui vais mourir !

moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut, qui respire, qui est assis à cette table, laquelle ressemble à une autre table, et pourrait aussi bien être ailleurs ; moi, enfin, ce moi que je touche et que je sens, et dont le vêtement fait les plis que voilà !
 

 

 

Résumé du chapitre 26

Le narrateur a écrit une lettre à sa fille dans laquelle il exprime toute sa douleur et son amertume. Il accuse les hommes de vouloir laisser une enfant de trois ans orphelin. L’attente de l’exécution semble exercer un effet terrifiant sur le narrateur qui espère un miracle pour le sauver.

 

XXVII

      

      Encore si je savais comment cela est fait, et de quelle façon on meurt là-dessus ! mais c'est horrible, je ne le sais pas.
      Le nom de la chose est effroyable, et je ne comprends point comment j'ai pu jusqu'à présent l'écrire et le prononcer.
      La combinaison de ces dix lettres, leur aspect, leur physionomie est bien faite pour réveiller une idée épouvantable, et le médecin de malheur qui a inventé la chose avait un nom prédestiné.

      L'image que j'y attache, à ce mot hideux, est vague, indéterminée, et d'autant plus sinistre. Chaque syllabe est comme une pièce de la machine. J'en construis et j'en démolis sans cesse dans mon esprit la monstrueuse charpente.
      Je n'ose faire une question là-dessus, mais il est affreux de ne savoir ce que c'est, ni comment s'y prendre. Il paraît qu'il y a une bascule et qu'on vous couche sur le ventre... – Ah ! mes cheveux blanchiront avant que ma tête ne tombe !

 

Résumé du chapitre 27

Le narrateur est pris dans un tourbillon de peur et de terreur au point où il n’ose pas écrire le mot « guillotine ». il imagine que son exécution sera atroce.

 

XXVIII

      

      Je l'ai cependant entrevue une fois.
      Je passais sur la place de Grève, en voiture, un jour vers onze heures du matin. Tout à coup la voiture s'arrêta.
      Il y avait foule sur la place. Je mis la tête à la portière. Une populace encombrait la Grève et le quai, et des femmes, des hommes, des enfants étaient debout sur le parapet. Au-dessus des têtes, on voyait une espèce d'estrade en bois rouge que trois hommes échafaudaient.

      Un condamné devait être exécuté le jour même, et l'on bâtissait la machine.
      Je détournai la tête avant d'avoir vu. À côté de la voiture, il y avait une femme qui disait à un enfant :
      – Tiens, regarde ! le couteau coule mal, ils vont graisser la rainure avec un bout de chandelle.

      C'est probablement là qu'ils en sont aujourd'hui. Onze heures viennent de sonner. Ils graissent sans doute la rainure.
      Ah ! cette fois, malheureux, je ne détournerai pas la tête.

 

Résumé du chapitre 28

Ayant déjà assisté à une exécution, le narrateur imagine comment sera la sienne. Il croit que les préparatifs ont déjà commencé par le graissage de la rainure.

XXIX

      

      Ô ma grâce ! ma grâce ! on me fera peut-être grâce. Le roi ne m'en veut pas. Qu'on aille chercher mon avocat ! vite l'avocat ! Je veux bien des galères (=peine de ceux qui étaient condamnés à ramer sur ces bâtiments d'État). Cinq ans de galères, et que tout soit dit – ou vingt ans, ou à perpétuité avec le fer rouge. Mais grâce de la vie !
      Un forçat, cela marche encore, cela va et vient, cela voit le soleil.

 

 

Résumé du chapitre 29

Dans un moment de délire, le narrateur espère la grâce royale mais en vain.

30le prêtre est revenu consoler le narrateur et l’assister dans ces derniers moments. Le prêtre qui exerce cette fonction depuis des années se fait renvoyé par le narrateur qui veut rester seul pendant son recueillement.